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Prologue « De la plage, à l’est du
village, on aperçoit une île où se dresse un
temple gigantesque, aux innombrables cloches »,
dit la femme. Le petit garçon ne l’avait
jamais vue dans les environs ; il remarqua
qu’elle portait des vêtements étranges et
qu’un voile recouvrait ses cheveux. « Connais-tu ce temple ? lui
demandat- elle. Va le voir, et tu me
diras comment tu le trouves. » Séduit par la beauté de la
femme, l’enfant se rendit à l’endroit
indiqué. Assis sur le sable, il scruta l’horizon,
mais ne vit que le spectacle auquel il était
habitué : le ciel bleu qui se mêlait à l’océan. Déçu, il marcha jusqu’au
hameau voisin, et il demanda aux pêcheurs
s’ils avaient entendu parler d’une île et
d’un temple. « Oui! Il y a très longtemps,
à l’époque où mes arrière-grands-parents
habitaient par-là, lui répondit un vieux
pêcheur. Mais un tremblement de terre s’est
produit, et l’île a été engloutie.
Pourtant, même si nous ne pouvons plus la voir,
il nous arrive encore d’entendre les cloches
du temple, lorsque le balancement des
vagues dans les profondeurs marines les
fait sonner. » L’enfant retourna sur la
plage et il tendit l’oreille. Il attendit ainsi
tout l’après-midi, mais il ne perçut que le
bruit des vagues et les cris des mouettes. Quand ce fut la nuit, ses
parents vinrent le chercher. Mais, le
lendemain matin, il retourna sur la plage ;
l’image de la femme le hantait, et il lui
semblait impensable qu’une personne aussi belle
pût raconter des mensonges. Si un jour
elle revenait, il pourrait lui dire qu’il
n’avait pas vu l’île, mais qu’il avait entendu les
cloches du temple que le mouvement des
vagues faisait tinter. Ainsi passèrent des mois ; la
femme ne revint pas, et le gamin
l’oublia ; mais il se souvenait qu’il y avait un
temple sous l’eau, et un temple renferme
toujours des richesses et des trésors.
S’il entendait les cloches, l’enfant aurait la
certitude que les pêcheurs avaient dit la
vérité ; aussi, quand il serait grand, il
pourrait rassembler assez d’argent pour monter
une expédition et découvrir le trésor caché. Il ne s’intéressait plus à
l’école, ni à ses camarades. Il devint le sujet
de plaisanterie favori des autres enfants,
qui répétaient : « Il n’est plus comme nous.
Il préfère rester face à la mer, et il évite de
jouer avec nous parce qu’il a peur de perdre.
» Et tous riaient en voyant le
gamin assis au bord de la plage. Bien qu’il ne réussît
toujours pas à entendre les vieilles cloches
du temple, l’enfant, chaque matin,
allait apprendre quelque chose de différent.
D’abord, il découvrit que, à force de
percevoir leur rumeur, il ne se laissait
plus distraire par les vagues. Peu après, il
s’habitua aussi aux cris des mouettes, au
bourdonnement des abeilles, au vent qui faisait
claquer les feuilles des palmiers. Six mois après sa première
rencontre avec la femme, le petit garçon était
capable de ne plus se laisser distraire par
aucun bruit – mais il n’entendait pas
pour autant les cloches du temple englouti. D’autres pêcheurs étaient
venus lui parler. « Nous, nous les entendons! »
affirmaient-ils avec insistance. Mais le gamin n’y parvenait
pas. Quelque temps après, les
propos des pêcheurs changèrent : « Tu te
préoccupes trop du bruit des cloches ;
laisse tomber, et retourne jouer avec tes
copains. Peut-être les pêcheurs sont-ils les
seuls à pouvoir les entendre. » Au bout d’un an environ,
l’enfant décida de renoncer. « Ces hommes ont
peut-être raison. Il vaut mieux que je
grandisse et que je devienne pêcheur ;
alors, je retournerai tous les matins sur cette
plage, et j’entendrai les cloches. » Et
il pensa aussi : « Peut-être que tout cela est
une légende, et qu’avec le tremblement de
terre les cloches se sont brisées et ne
sonneront plus jamais. » Cet après-midi-là, il décida
de rentrer chez lui. S’approchant de l’océan pour
lui faire ses adieux, il regarda encore une
fois la nature et, comme il ne s’inquiétait
plus des cloches, il put sourire de la
beauté du chant des mouettes, de la
rumeur de la mer, du vent qui faisait
claquer les feuilles des palmiers. Il écouta au
loin les voix de ses amis qui s’amusaient et
se sentit joyeux de savoir qu’il
pouvait retourner aux jeux de son enfance. Ils
s’étaient peutêtre moqués de lui, mais ils
oublieraient vite ce qui s’était passé et
ils l’accueilleraient. L’enfant était content et –
comme seul un enfant peut le faire – il
remercia d’être en vie. Il avait la certitude de
n’avoir pas perdu son temps, car il avait
appris à contempler et à révérer la
Nature. Alors, parce qu’il écoutait
la mer, les mouettes, le vent, le
bruissement des palmes et les voix de ses
amis qui jouaient, il entendit aussi
la première cloche. Et une autre. Et encore une autre. Jusqu’au
moment où toutes les cloches du temple
englouti se mirent à sonner, le
remplissant de joie. Des années plus tard, alors
qu’il était devenu un homme, il revint au
village de son enfance. Il n’avait nulle
intention de repêcher quelque trésor
enfoui au fond de la mer; peut-être tout cela
avait-il été le fruit de son imagination enfantine,
et peut-être même n’avait-il jamais
entendu sonner les cloches englouties.
Cependant, il décida de se rendre sur la plage pour
écouter le bruit du vent et le chant des
mouettes. Quelle ne fut pas sa surprise
lorsqu’il aperçut, assise sur le sable,
la femme qui lui avait parlé de l’île et
de son temple. « Que fais-tu ici ?
demanda-t-il. – Je t’attendais. » Bien que de nombreuses années
eussent passé, elle avait toujours la
même apparence ; le même voile dissimulait
ses cheveux, et il ne paraissait pas abîmé
par le temps. Elle lui tendit un cahier
bleu, dont les feuilles étaient vierges. « Écris : un guerrier de la
lumière prête attention au regard d’un
enfant, parce que les enfants savent voir le
monde sans amertume. Lorsqu’il désire
savoir si une personne est digne de
confiance, il la regarde avec les yeux d’un
enfant. – Qu’est-ce qu’un guerrier de
la lumière ? – Tu le sais, répondit-elle
en souriant. C’est celui qui est capable
de comprendre le miracle de la vie, de
lutter jusqu’au bout pour ce en quoi il croit, et
– alors – d’entendre les cloches que la mer fait
retentir dans ses profondeurs. » Jamais il n’avait jugé qu’il
était un guerrier de la lumière. La femme parut
deviner ses pensées. « Tout le monde en est
capable. Et personne ne se juge un guerrier de la
lumière, bien que tout le monde puisse
l’être. » Il regarda les pages du
cahier. La femme sourit de nouveau. « Écris », répéta-t-elle. |
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Un guerrier de la lumière n’oublie jamais la gratitude. Au cours de la lutte, les anges l’ont aidé ; les forces célestes
ont mis chaque chose à sa juste place
et ont permis au guerrier de donner le meilleur
de luimême. Ses compagnons commentent :
« Comme il a de la chance ! » Et le
guerrier obtient parfois beaucoup plus que ce
que ses seules capacités lui autorisent. Alors, quand le soleil se couche,
il s’agenouille et remercie le Manteau Protecteur qui l’entoure. Mais sa gratitude ne se limite
pas au monde spirituel ; il n’oublie
jamais les amis, parce que leur sang s’est
mêlé au sien sur le champ de bataille. Un guerrier n’a nul besoin qu’on
lui rappelle l’aide que lui ont prodiguée
les autres ; il se souvient tout seul, et partage
avec eux la récompense. Tous les chemins du monde mènent au cœur du guerrier ; il s’immerge sans hésiter dans le fleuve
de passions qui traverse sa vie. Le guerrier sait qu’il est libre
de choisir ce qu’il désire ; ses décisions
sont prises avec courage, désintéressement, et
– parfois – avec une certaine dose de folie. Il accepte ses passions et en
jouit intensément. Il sait qu’il n’est pas nécessaire
de renoncer à l’enthousiasme des
conquêtes ; elles font partie de la vie,
et réjouissent tous ceux qui y prennent part. Mais il ne perd jamais de vue
les choses durables et les liens solides
qui se sont créés au fil du temps. Un guerrier sait distinguer
ce qui est passager de ce qui est définitif.
Un guerrier de la lumière ne compte pas seulement sur ses propres forces ; il se sert
aussi de l’énergie de son adversaire. Lorsque commence le combat,
tout ce qu’il possède c’est son enthousiasme,
et l’art des coups qu’il a appris
à l’entraînement ; au fur et à mesure que la
lutte se déroule, il découvre que l’enthousiasme
et l’entraînement ne suffisent
pas pour vaincre : l’expérience est nécessaire. Alors il ouvre son cœur à l’Univers
et demande à Dieu de l’inspirer,
afin que chaque coup de l’ennemi soit
aussi, pour lui, une leçon de défense. Ses compagnons commentent :
« Comme il est superstitieux ! Il a
interrompu la lutte pour prier, et il respecte les
ruses de l’adversaire. » Le guerrier de la lumière ne
répond pas à ces provocations. Il sait que,
sans inspiration et sans expérience, aucun entraînement ne donne de résultat. 27 Un guerrier de la lumière ne triche jamais ; mais il sait distraire
son adversaire. Aussi anxieux soit-il, il use
des ressources de la stratégie pour atteindre
son objectif. Quand il se sent à bout de forces,
il fait en sorte que l’ennemi pense qu’il
n’est pas pressé. Lorsqu’il doit attaquer
à droite, il déplace ses troupes vers la
gauche. S’il a l’intention d’entreprendre la
lutte sur-lechamp, il feint d’avoir sommeil et
de se préparer à dormir. Ses amis commentent : « Voyez
comme il a perdu son enthousiasme ! » Mais
il n’accorde pas d’importance aux commentaires, parce que ses amis ne connaissent
pas ses tactiques. Un guerrier de la lumière sait
ce qu’il veut. Et il n’a pas besoin de fournir
d’explications. 28 Un sage chinois commente ainsi les stratégies du guerrier de
la lumière : « Laisse croire à ton ennemi
que tu ne tireras pas un grand avantage
de ta décision de l’attaquer ; de cette manière,
tu diminueras son enthousiasme. « N’aie pas honte de te retirer
provisoirement du combat, si tu sens que l’ennemi est le plus fort ; l’important
n’est pas la bataille isolée, mais la fin
de la guerre. « Si tu es suffisamment fort,
n’aie pas honte non plus de feindre la
faiblesse ; cela ôte à ton ennemi sa prudence
et le pousse à attaquer avant l’heure. « Dans une guerre, la capacité
de surprendre l’adversaire est la clé de la victoire. » 29 «C’est curieux, se dit le guerrier de la lumière. J’ai rencontré tant de gens qui – à la première occasion – tentent de montrer
le pire d’eux-mêmes. Ils cachent leur
force intérieure derrière l’agressivité ; ils
masquent leur peur de la solitude sous
un air d’indépendance. Ils ne croient pas en leurs propres capacités, mais passent
leur temps à proclamer aux quatre
vents leurs qualités. » Le guerrier lit ces signes chez
nombre d’hommes et de femmes de sa
connaissance. Il ne se laisse jamais abuser
par les apparences et s’efforce de rester
silencieux quand on cherche à de l’impressionner. Mais il saisit la moindre occasion
de corriger ses propres défauts,
puisque les autres sont toujours un bon
miroir de nous-mêmes. Un guerrier profite de toutes
les opportunités pour devenir son propre maître. 30 Le guerrier de la lumière lutte parfois avec qui il aime. L’homme qui préserve ses amis n’est jamais dominé par les
tempêtes de l’existence ; il a des forces
pour surmonter les difficultés et aller de
l’avant. Très souvent, cependant, il
se sent défié par ceux auxquels il tente d’enseigner
l’art de l’épée. Ses disciples le
provoquent au combat. Et le guerrier montre ce dont
il est capable : en quelques coups,
il envoie à terre les armes de ses élèves,
et l’harmonie revient dans leur lieu de réunion. « Pourquoi faire cela, si tu
es tellement supérieur ? demande un voyageur. – Parce que, lorsqu’ils me défient,
ils cherchent en vérité à me parler et que,
de cette manière, je maintiens le dialogue
», répond le guerrier. 31 Avant d’entreprendre un combat important, un guerrier de la lumière se demande : « Jusqu’à quel point ai-je développé mon
habileté? » Il sait que des batailles qu’il
a menées autrefois il a toujours retenu
quelque chose. Cependant, quantité de
ces enseignements l’ont fait souffrir plus que nécessaire. Plus d’une fois,
il a perdu son temps en luttant pour un mensonge,
ou a souffert pour des êtres qui
n’étaient pas à la hauteur de son amour. Mais les vainqueurs ne répètent
pas la même erreur. C’est pourquoi
le guerrier de la lumière ne risque son cœur
que pour quelque chose qui en vaut la
peine. 32 Un guerrier de la lumière respecte le principal enseignement du Yi-king : « La persévérance
est favorable. » Il sait que la persévérance
n’a rien à voir avec l’obstination. Il y a des
époques où les combats se prolongent au-delà
du nécessaire, épuisant ses forces
et affaiblissant son enthousiasme. Dans ces moments-là, le guerrier réfléchit : « Une guerre prolongée
finit par détruire même le pays victorieux.
» Alors, il retire ses forces
du champ de bataille et s’accorde une trêve.
Il persévère dans sa volonté, mais il sait
attendre le meilleur moment pour une nouvelle attaque. Un guerrier retourne toujours
à la lutte. Il le fait parce qu’il constate
que la situation a changé, jamais par crainte. 33 Un guerrier de la lumière constate que certains moments se répètent. Fréquemment, il se voit placé
devant des problèmes et des situations
auxquels il avait déjà été confronté. Alors
il est déprimé. Il songe qu’il est
incapable de progresser dans la vie, puisque
les difficultés sont de retour. « Je suis déjà passé par là,
se plaint-il à son cœur. – Il est vrai que tu as déjà
vécu cela, répond son cœur. Mais tu ne l’as jamais
dépassé. » Le guerrier comprend alors que
la répétition des expériences a une unique
finalité : lui enseigner ce qu’il n’a pas encore
appris. 34 Un guerrier de la lumière fait toujours des gestes hors du commun. Il peut danser dans la rue en
se rendant à son travail. Ou regarder un
inconnu dans les yeux et parler d’amour au
premier coup d’œil. Défendre une idée qui
peut paraître ridicule. Le guerrier de la
lumière se permet ce genre de choses. Il ne craint pas de pleurer
de vieux chagrins, ni de se réjouir de nouvelles
découvertes. Quand il sent l’heure venue,
il abandonne tout et part pour l’aventure
dont il a tant rêvé. Quand il comprend qu’il
est à la limite de sa résistance, il
quitte le combat, sans se sentir coupable d’avoir
fait une ou deux folies inattendues. Un guerrier ne passe pas ses
jours à tenter de jouer le rôle que les autres
ont choisi pour lui. 35 Les guerriers de la lumière ont toujours une lueur particulière dans le regard. Ils sont au monde, ils font
partie de la vie des autres, et ils ont commencé
leur voyage sans besace ni sandales.
Il leur arrive souvent d’être lâches,
et ils n’agissent pas toujours correctement. Les guerriers de la lumière
souffrent pour des causes inutiles, ont des
comportements mesquins et parfois se jugent
incapables de grandir. Ils se croient fréquemment
indignes d’une bénédiction ou d’un miracle. Ils ne savent pas toujours avec
certitude ce qu’ils font ici. Souvent, ils
passent des nuits éveillés, à penser que
leur vie n’a pas de sens. C’est pour cela qu’ils sont
guerriers de la lumière. Parce qu’ils se trompent.
Parce qu’ils s’interrogent. Parce
qu’ils cherchent une raison – et, certainement,
ils vont la trouver. 36 Le guerrier de la lumière ne craint pas de paraître fou. Il se parle à voix haute quand
il est seul. Quelqu’un lui a appris
que c’était la meilleure manière de communiquer
avec les anges, et il cherche ce
contact. Au début, il constate combien
c’est difficile. Il pense qu’il n’a rien à dire,
qu’il va répéter des sottises. Pourtant, le guerrier insiste.
Chaque jour il converse avec son cœur. Il dit
des choses qu’il ne pense pas vraiment,
il dit des bêtises. Un jour, il perçoit un changement
dans sa voix. Et il comprend qu’il est
en train de canaliser une sagesse supérieure. Le guerrier semble fou, mais
ce n’est qu’un masque. 37 Un poète a dit : « Le guerrier de la lumière choisit ses ennemis.
» Le guerrier sait de quoi il
est capable. Il n’a pas besoin de
courir le monde en louant ses qualités
et ses vertus. Cependant, à tout moment apparaît
quelqu’un qui veut prouver qu’il est meilleur que lui. Le guerrier sait qu’il n’existe
pas de « meilleur » ou de « pire »
: chacun possède les dons nécessaires à son chemin individuel. Mais certaines personnes insistent.
Elles le provoquent, l’offensent,
font tout pour l’irriter. En cet instant, le
cœur du guerrier dit : « N’écoute pas les offenses,
elles ne vont pas accroître ton habileté.
Tu vas te fatiguer inutilement. » Un guerrier de la lumière ne
perd pas son temps à écouter les provocations
; il a un destin à accomplir. 38 Un guerrier de la lumière se rappelle à tout instant un passage de John Bunyan : « Bien que je sois passé par
tout ce par quoi je suis passé, je ne regrette
pas les problèmes dans lesquels je me
suis engagé, parce que ce sont eux
qui m’ont mené là où je voulais arriver.
Maintenant, à l’approche de la mort, tout
ce que je possède est cette épée, et je la remets
à celui qui désire suivre son pèlerinage.
J’emporte avec moi les marques et les
cicatrices des combats – elles sont les témoignages
de ce que j’ai vécu et les récompenses
de ce que j’ai conquis. « Ce sont ces marques et ces
cicatrices chéries qui vont m’ouvrir les
portes du Paradis. À une certaine époque,
j’ai passé ma vie à écouter des histoires
de bravoure. À une certaine époque, je n’ai
vécu que parce que j’avais besoin de
vivre. Mais maintenant je vis parce que
je suis un guerrier, et parce que je veux
un jour rejoindre la compagnie de Celui
pour lequel j’ai tant lutté. » 39 Au moment où il se met en marche, un guerrier de la lumière reconnaît le Chemin. Chaque pierre, chaque tournant
lui souhaitent la bienvenue. Il s’identifie
aux montagnes et aux ruisseaux,
il voit une parcelle de son âme dans les
plantes, les animaux et les oiseaux de la
campagne. Alors, acceptant l’aide de Dieu
et des Signes de Dieu, il laisse sa
Légende Personnelle le guider en direction
des tâches que la vie lui réserve. Certaines nuits, il n’a nulle
part où dormir; d’autres nuits, il souffre d’insomnie.
« C’est moi qui ai décidé de prendre
cette voie, pense le guerrier. Cela en fait
partie. » Cette phrase renferme tout son
pouvoir. Il a choisi la route par laquelle
il chemine maintenant, et il n’a pas à
se plaindre. 40 Dorénavant – et pour quelques siècles –, l’Univers va assister
les guerriers de la lumière et boycotter ceux qui ont des idées préconçues. L’énergie de la Terre a besoin
d’être renouvelée. Les idées nouvelles ont besoin
d’espace. Le corps et l’âme ont besoin
de nouveaux défis. Le futur est devenu présent,
et tous les rêves – sauf ceux qui reflètent
des idées préconçues – auront l’occasion
de se manifester. L’important demeurera ; l’inutile
disparaîtra. Mais le guerrier sait qu’il
n’est pas chargé de juger les rêves de
son prochain, et il ne perd pas de temps à
critiquer les décisions d’autrui. Pour avoir foi dans son propre
chemin, il n’a pas besoin de prouver que
le chemin de l’autre n’est pas le bon. 41 Un guerrier de la lumière étudie avec beaucoup de soin la position qu’il prétend conquérir. Aussi difficile que soit son
objectif, il y a toujours un moyen de surmonter
les obstacles. Il vérifie les chemins alternatifs, aiguise son épée, et s’efforce
d’emplir son cœur de la persévérance indispensable pour faire face au défi. Mais à mesure qu’il avance,
le guerrier se rend compte qu’il existe des
difficultés qu’il n’avait pas envisagées. S’il lui faut attendre le moment
idéal, il ne bougera jamais ; un peu de folie
est nécessaire pour faire un pas de plus. Le guerrier use d’un peu de
folie. Parce que – à la guerre comme en amour
– il n’est pas possible de tout prévoir. 42 Un guerrier de la lumière connaît ses défauts. Mais il connaît
aussi ses qualités. Certains compagnons se plaignent
sans cesse : « Les autres ont plus
de chance que nous. » Peut-être ont-ils raison ; mais
un guerrier ne se laisse pas paralyser par
ce constat ; il cherche à valoriser au maximum
ses atouts. Il sait que le pouvoir de la
gazelle réside dans la rapidité de sa course,
celui de la mouette dans la précision avec
laquelle elle vise le poisson. Il a appris
que le tigre n’a pas peur de la hyène, car
il est conscient de sa propre force. Un guerrier essaie de savoir
sur quoi il peut compter. Il vérifie toujours
son bagage, qui se compose de trois éléments
: foi, espérance et amour. Si les trois sont présents,
il n’hésite pas à poursuivre. 43 Le guerrier de la lumière sait que nul n’est idiot et que tout le monde peut apprendre de la vie – même
si cela exige du temps. Il donne toujours le meilleur
de soi et attend toujours le meilleur
des autres. Avec générosité, il cherche
à mettre en valeur le potentiel de chacun. Certains compagnons commentent
: « Il y a des gens ingrats. » Le guerrier ne se laisse pas
ébranler pour autant. Et il continue à stimuler
les autres, car c’est une manière de se
stimuler luimême. 44 Tout guerrier de la lumière a eu peur de s’engager dans le combat. Tout guerrier de la lumière
a trahi et menti par le passé. Tout guerrier de la lumière
a déjà perdu la foi en l’avenir. Tout guerrier de la lumière
a souffert pour des choses sans importance. Tout guerrier de la lumière
a douté d’être un guerrier de la lumière. Tout guerrier de la lumière
a manqué à ses obligations spirituelles. Tout guerrier de la lumière
a dit oui quand il voulait dire non. Tout guerrier de la lumière
a blessé quelqu’un qu’il aimait. C’est pour cela qu’il est un
guerrier de la lumière ; parce qu’il est passé
par toutes ces expériences et n’a pas perdu
l’espoir de devenir meilleur. 45 Le guerrier écoute toujours les paroles de certains prédicateurs anciens, comme celles de T.H. Huxley : « Les conséquences de nos actions
sont des épouvantails pour les lâches,
et des rayons de lumière pour les sages. « Le monde est un échiquier
dont les pièces sont les gestes de notre
vie quotidienne et les règles ce que l’on appelle
les lois de la nature. Nous ne pouvons
pas distinguer le Joueur qui nous
fait face, mais nous savons qu’il est juste,
honnête et patient. » Il revient au guerrier de relever
le défi. Lui sait que Dieu ne passe pas une
seule erreur à ceux qu’il aime, et
ne permet pas que ses préférés feignent d’ignorer
les règles du jeu. 46 Un guerrier de la lumière n’ajourne pas ses décisions. Il réfléchit bien avant d’agir
; il tient compte de son entraînement,
de sa responsabilité et de son devoir
envers le maître. Il cherche à garder
sa sérénité et considère chacun de ses pas
comme s’il était le plus important. Cependant, au moment de prendre
une décision, le guerrier va de
l’avant : il ne doute plus de son choix, ni
ne change de parcours si les circonstances
sont différentes de ce qu’il imaginait. Si sa décision est la bonne,
il gagnera le combat – même s’il dure plus
longtemps que prévu. Si sa décision est
mauvaise, il sera vaincu et devra repartir
de zéro – mais avec plus de sagesse. Un guerrier de la lumière, quand
il commence, va jusqu’au bout. 47 Un guerrier sait que ses meilleurs maîtres sont celles et ceux
qui partagent son champ de bataille. Il est dangereux de demander
un conseil. Il est encore plus risqué d’en
donner un. Quand il a besoin d’aide, le
guerrier s’efforce d’observer la manière dont ses
amis résolvent, ou ne résolvent pas,
leurs problèmes. S’il est en quête d’inspiration,
il lit sur les lèvres de son voisin les mots
que son ange gardien veut bien lui adresser. Quand il est fatigué ou solitaire,
il ne rêve pas de femmes et d’hommes lointains
; il va trouver les êtres qui sont
proches de lui et partage leur douleur ou leur
besoin d’affection – avec plaisir et sans culpabilité. Un guerrier sait que l’étoile
la plus éloignée de l’Univers se manifeste dans
les choses qui l’entourent. 48 Un guerrier de la lumière partage son monde avec les personnes qu’il aime. Il les exhorte à
réaliser leurs désirs alors qu’elles
n’en ont pas le courage. Dans ces moments-là, l’ennemi
apparaît avec deux tables à la main. Sur l’une, il est écrit : «
Pense davantage à toi. Garde tes bénédictions
pour toimême, ou tu finiras par tout perdre.
» Sur l’autre, il lit : « Qui
es-tu pour aider les autres ? Serait-ce que tu n’arrives
pas à voir tes propres défauts ? » Un guerrier n’ignore pas qu’il
a des défauts. Mais il sait aussi
qu’il ne peut pas grandir tout seul, à l’écart
de ses compagnons. Alors, il jette par terre les
deux tables, même s’il pense qu’elles comportent
un fond de vérité. Elles tombent
en poussière, et le guerrier continue d’aider
son prochain. 49 Le sage Lao-tseu commente en ces termes le voyage du guerrier
de la lumière : « Le Chemin inclut le respect
de tout ce qui est petit et fragile. Tu
dois toujours savoir reconnaître quand le
moment est venu d’adopter l’attitude adéquate. « Même si tu as déjà tiré à
l’arc à diverses reprises, continue d’être vigilant
à la manière dont tu places ta flèche
et tends la corde. « Quand le débutant est conscient
de ses besoins, il finit par être plus
intelligent que le sage distrait. « Accumuler de l’amour signifie
chance, accumuler de la haine signifie
calamité. Celui qui ne reconnaît pas les
problèmes laisse la porte ouverte et les
tragédies surviennent. « Le combat n’a rien à voir
avec la querelle. » 50 Le guerrier de la lumière médite. Il s’assoit tranquillement dans
sa tente et s’abandonne à la lumière divine. Il fait le vide dans son esprit
et ne pense à rien; il se détache de la recherche
des plaisirs, des défis et des révélations,
et laisse ses dons et ses pouvoirs se
manifester. Même s’il ne les perçoit pas
tout de suite, ces dons et ces pouvoirs gouvernent
sa vie et influent sur son quotidien. Tandis qu’il médite, le guerrier
cesse d’être seulement lui-même et devient
une étincelle de l’Âme du Monde. Ce sont ces moments qui lui permettent de
comprendre quelle est sa responsabilité
et d’agir en accord avec elle. Un guerrier de la lumière sait
que, dans le silence de son cœur, il existe
un ordre qui le guide. 51 |
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51 «Quand mon arc est bandé, dit Herrigel à son maître zen, il arrive un moment où, si je ne tire pas sur-le-champ, j’ai
l’impression de m’essouffler. – Tant que tu t’efforceras de
provoquer le moment de décocher ta flèche,
tu n’apprendras pas l’art des archers,
rétorqua le maître. La main qui bande
l’arc doit s’ouvrir telle la main d’un enfant. Ce
qui parfois trouble la précision du tir,
c’est la volonté trop vive de
l’archer. » Un guerrier de la lumière
pense quelquefois : « Ce que je ne ferai pas ne
sera pas fait. » Il n’en va pas ainsi : il
doit agir, mais il doit aussi laisser l’Univers
opérer au moment voulu. 52 Un guerrier, quand il souffre d’une injustice, cherche en général
à rester seul, pour ne pas
montrer sa douleur aux autres. C’est un comportement positif
et négatif à la fois. Laisser son cœur guérir
lentement de ses blessures est une chose.
Rester plongé toute la journée dans sa
méditation, de peur de paraître faible, en
est une autre. En chacun de nous il existe
un ange et un démon, et leurs voix se
ressemblent beaucoup. Devant la difficulté, le
démon soliloque et cherche à nous convaincre
que nous sommes vulnérables.
L’ange nous invite à réfléchir sur nos
attitudes, et il a parfois besoin de s’exprimer
par la bouche d’autrui. Un guerrier parvient à un
équilibre entre solitude et dépendance. 53 Un guerrier de la lumière a besoin d’amour. L’affection et la
tendresse font partie de sa nature – autant que la nourriture,
la boisson, et le plaisir qu’il prend à mener
le Bon Combat. Lorsque le guerrier n’est pas
heureux devant un coucher de soleil,
c’est que quelque chose ne va pas. À ce moment-là, il interrompt
le combat et part à la recherche d’une
compagnie pour assister ensemble à la tombée
du jour. S’il a du mal à la trouver,
il se demande : « Ai-je eu peur de
m’approcher de quelqu’un ? Serait-ce que j’ai reçu de
l’affection et ne l’ai pas senti ? » Un guerrier de la lumière
peut choisir la solitude, mais il ne la subit
pas. 54 Le guerrier de la lumière sait qu’il est impossible de vivre en
état de complet relâchement. Il a appris de l’archer que,
pour tirer sa flèche au loin, il faut
maintenir l’arc bien bandé. Il a appris des
étoiles que seule l’explosion intérieure permet
de briller. Le guerrier constate que le
cheval, au moment de franchir un
obstacle, contracte tous ses muscles. Mais il ne confond jamais
tension et nervosité. 55 Le guerrier de la lumière parvient toujours à équilibrer Rigueur
et Miséricorde. Pour atteindre
son rêve, il a besoin d’une
volonté ferme – mais aussi d’une immense
capacité de dévouement. Bien qu’il connaisse son
objectif, le chemin pour y parvenir n’est pas
toujours celui qu’il imaginait. C’est pourquoi le guerrier
use de discipline et de compassion. Dieu
n’abandonne jamais Ses enfants, mais Ses
desseins sont insondables, et Il construit
notre route à l’aide de nos propres pas. Grâce à la discipline et au
dévouement, le guerrier garde intact son
enthousiasme. Jamais la routine n’a pu
soulever des montagnes. 56 Le guerrier de la lumière se comporte parfois comme l’eau, et il se glisse entre les nombreux
obstacles qui parsèment sa route. À certains moments, résister
signifie être détruit. Alors, il s’adapte
aux circonstances. Il accepte, sans se plaindre,
que les pierres du chemin tracent sa voie à
travers les montagnes. En cela réside la force de
l’eau : jamais un marteau ne peut la briser, ni
un couteau la blesser. L’épée la plus
puissante du monde est incapable de
laisser une entaille à sa surface. L’eau d’une rivière s’adapte
au terrain, sans jamais oublier son
objectif : la mer. Ténue à sa source, elle
acquiert peu à peu la force des fleuves qu’elle
rencontre. Et, au bout d’un moment, son
pouvoir est total. 57 Pour le guerrier de la lumière, il n’existe rien d’abstrait.
Tout est concret, et tout lui inspire
respect. Il ne reste pas assis, dans
le confort de sa tente, à observer ce qui se
passe de par le monde. Le guerrier de la
lumière accepte chaque défi comme une
occasion de se transformer lui-même. Certains de ses compagnons
passent leur vie à critiquer l’absence de
choix, ou à commenter les décisions des
autres. Le guerrier, lui, transforme sa
pensée en action. Quelquefois, il manque son
objectif, et il paie – sans se plaindre – le
prix de son erreur. D’autres fois, il
s’écarte du chemin et perd beaucoup de temps à
revenir à son destin originel. Mais le guerrier ne se laisse
pas distraire. 58 Le guerrier de la lumière a les qualités d’un roc. Quand celui-ci se trouve en
terrain plat et que tout, alentour,
est en harmonie, il demeure stable. Les gens
peuvent bâtir leurs maisons par-dessus, la
tempête ne détruira pas ce qui a été
construit. En revanche, lorsque le
terrain est incliné, les choses alentour ne
peuvent se maintenir en ordre ni en équilibre ; il
révèle alors sa force et roule droit sur
l’ennemi qui menace la paix. Dans ces
moments-là, le guerrier est dévastateur, et
nul ne parvient à le retenir. Un guerrier de la lumière
pense simultanément à la guerre et à la paix, et
il sait agir selon les circonstances. 59 Un guerrier de la lumière trop confiant en son intelligence
finit par sous-estimer le pouvoir
de l’adversaire. Il ne faut pas oublier ceci :
il y a des moments où la force est plus
efficace que la sagacité. Une corrida dure quinze
minutes ; le taureau comprend vite qu’on le trompe
– et sa réaction est de se jeter sur
le toréador. Alors, il n’y a pas
d’ingéniosité, d’argument, d’intelligence ou de charme
qui puissent éviter la tragédie. Aussi le guerrier ne
sous-estime-t-il jamais la force brute. Quand
elle est trop violente, il se retire du
champ de bataille – jusqu’à ce que l’ennemi ait
épuisé toute son énergie. 60 Le guerrier de la lumière sait reconnaître un ennemi plus fort que lui. S’il décide de l’affronter,
il sera immédiatement anéanti. S’il
relève ses offenses, il tombera dans un
piège. Aussi use-t-il de diplomatie.
Quand l’ennemi se comporte de manière
puérile, il en fait autant. Quand il le
provoque au combat, il feint de ne pas
comprendre. Ses amis commentent : « C’est
un lâche. » Mais le guerrier se moque de
ces commentaires : il sait que toute la colère
et tout le courage d’un oiseau sont
vains devant le chat. Dans de telles situations, le
guerrier fait preuve de patience. L’ennemi
s’en ira vite en provoquer d’autres. 61 Un guerrier de la lumière ne reste jamais indifférent à
l’injustice. Il sait que tout est un, et que chaque action individuelle
affecte tous les hommes de la planète. Alors, quand il se trouve
devant la souffrance d’autrui, il se sert de son
épée pour remettre les choses en ordre. Mais, bien qu’il lutte contre
l’oppression, à aucun moment il ne cherche
à juger l’oppresseur. Chacun répondra de ses actes devant Dieu, et – pour cette
raison – une fois sa tâche accomplie, le
guerrier n’émet aucun commentaire. Un guerrier de la lumière est
au monde pour aider ses frères, non
pour condamner son prochain. 62 Un guerrier de la lumière n’est jamais lâche. La fuite peut être une
excellente méthode de défense, mais on
ne peut y recourir quand la peur est
vive. Dans le doute, le guerrier préfère
affronter la défaite puis soigner ses
blessures – car il sait que, s’il fuit, il donne
à l’agresseur un pouvoir plus grand que celui
qu’il mérite. Dans les moments difficiles
et douloureux, le guerrier assume sa
position d’infériorité avec héroïsme, résignation et
courage. 63 Un guerrier de la lumière n’est jamais pressé. Le temps
travaille en sa faveur ; il apprend à
maîtriser son impatience et évite les
gestes irré- fléchis. Avançant lentement, il note
la fermeté de ses pas. Il sait qu’il
participe à un moment décisif de l’histoire de
l’humanité, et qu’il doit changer lui-même avant
de transformer le monde. Pour cela, il se
rappelle les propos de Lanza del Vasto : «
Une révolution a besoin de temps pour
s’installer. » Un guerrier de la lumière ne
cueille jamais le fruit quand il est encore
vert. 64 Un guerrier de la lumière a besoin de patience et de vivacité à
la fois. Les deux plus graves erreurs
stratégiques sont : agir avant l’heure et
laisser passer l’occasion. Pour éviter cela, le guerrier
traite chaque situation comme si elle était
unique. Il n’applique ni formules, ni
recettes, et ne se fie pas à l’avis des
autres. Le calife Mouawiya demanda à
Omr ben al-Aas quel était le secret
de sa grande habileté politique. Il obtint la réponse suivante
: « Je ne me suis jamais lancé dans une
action sans avoir envisagé au préalable
une retraite possible ; d’un autre côté,
je ne suis jamais entré dans un lieu avec
l’intention d’en partir en courant. » 65 Un guerrier de la lumière se décourage souvent. Il pense que rien ne
parviendra à susciter l’émotion qu’il
espérait. Il passe des après-midi ou des nuits
entières à tenir une position conquise,
sans qu’aucun événement nouveau vienne
raviver son enthousiasme. Ses amis commentent : «
Peut-être sa lutte est-elle déjà terminée. » Le guerrier ressent douleur
et confusion en écoutant ces paroles parce
qu’il sait qu’il n’est pas parvenu là où
il voulait. Mais il est têtu, et il
n’abandonne pas ce qu’il a décidé de faire. Alors, au moment où il s’y
attend le moins, une porte s’ouvre. 66 Un guerrier de la lumière ne souille jamais son cœur du sentiment
de haine. Quand il marche vers
la lutte, il se rappelle les
propos du Christ : « Aimez vos ennemis. » Et le guerrier obéit. Mais il sait que le pardon ne
l’oblige pas à tout accepter. Un guerrier ne
peut baisser la tête – sinon, il perd de
vue l’horizon de ses rêves. Il remarque que ses
adversaires sont là pour tester sa bravoure, sa
persévérance, sa capacité de décision. Ils
sont une bénédiction, parce que ce sont eux qui
l’obligent à lutter pour ses rêves. C’est l’expérience du combat
qui renforce le guerrier de la lumière. 67 Le guerrier se souvient du passé. Il connaît la Quête Spirituelle
de l’homme, il sait que sont
déjà écrites certaines des plus
belles pages de l’Histoire. Et certains de ses pires
chapitres : massacres, sacrifices, obscurantisme.
Utilisée à des fins particulières,
cette quête a vu ses idéaux servir de bouclier
à de terribles intentions. Le guerrier a entendu des
commentaires de ce type : « Comment
saurai-je si ce chemin est le bon ? » Il a vu bien
des gens renoncer à la quête parce
qu’ils n’avaient pas répondu à cette question. Le guerrier, lui, n’a pas de
doutes ; il connaît une formule
infaillible. « Par les fruits tu
connaîtras l’arbre », a dit Jésus. Il suit cette règle et
ne se trompe jamais. 68 Le guerrier de la lumière connaît l’importance de l’intuition. Au beau milieu de la bataille,
il n’a pas le temps de penser
aux coups de l’ennemi. Il se fie à son
instinct et obéit à son ange gardien. En période de paix, il
déchiffre les signes que Dieu lui envoie. Les gens disent : « Il est
fou. » Ou alors : « Il vit dans un
monde imaginaire. » Ou encore : « Comment peut-il
croire en des choses qui n’ont pas de
logique ? » Mais le guerrier sait que
l’intuition est l’alphabet de Dieu, et il continue
d’écouter le vent et de parler aux
étoiles. 69 Le guerrier de la lumière s’assoit avec ses compagnons autour
d’un feu. Ils parlent de leurs
conquêtes, et les étrangers qui se
joignent au groupe sont les bienvenus, car tous
sont fiers de leur vie et de mener le Bon
Combat. Le guerrier sait combien il
est important de partager son expérience
avec les autres. Il évoque avec enthousiasme
le chemin, raconte comment il a résisté
à une provocation, quelle solution il a trouvée
pour une situation difficile.
Quand il relate ces histoires, il le fait avec
passion et romantisme. Parfois, il se permet d’en
rajouter un peu. Il se rappelle que ses
ancêtres aussi exagéraient de temps à autre. Alors il peut bien faire la
même chose – à condition de ne jamais
confondre orgueil et vanité, et de ne pas
croire à ses propres exagérations. 70 «Oui, entend dire le guerrier de la lumière, j’ai besoin de
tout comprendre avant de prendre une décision. Je veux avoir
la liberté de changer d’idée. » Le guerrier considère cette
phrase avec défiance. Lui aussi dispose
de la même liberté, mais cela ne
l’empêche pas d’assumer un engagement, même s’il ne comprend pas exactement
pourquoi il le fait. Un guerrier de la lumière
prend des décisions. Son âme est libre comme les
nuages dans le ciel, mais il est
responsable de son rêve. Sur son chemin
librement choisi, il doit se réveiller à des
heures qui ne lui conviennent pas, parler avec
des gens qui ne lui apportent rien,
consentir à certains sacrifices. Ses amis commentent : « Tu te
sacrifies inutilement. Tu n’es pas
libre. » Le guerrier est libre. Mais
il sait que, dans un four ouvert, le pain ne
cuit pas. 71 «Dans toute activité, il faut savoir ce que l’on peut en attendre, connaître les moyens
d’atteindre son objectif et les
ressources dont on dispose. « Seul peut affirmer qu’il a
renoncé aux fruits celui qui ne ressent
pas le moindre attrait pour les résultats de
la conquête et reste absorbé dans le combat. « On peut renoncer aux
fruits, mais ce renoncement ne signifie pas
que l’on soit indifférent aux résultats. » Le guerrier de la lumière
écoute avec respect la stratégie de Gandhi. Et il
ne se laisse pas troubler par des gens
qui, incapables de parvenir au moindre
résultat, passent leur temps à prêcher le
renoncement. 72 Le guerrier de la lumière fait attention aux petites choses, parce qu’elles peuvent causer
beaucoup de mal. Une épine, aussi petite
soit-elle, oblige le voyageur à interrompre sa
marche. Une cellule microscopique peut
détruire un organisme sain. La
réminiscence d’un instant de peur réveille chaque matin
la couardise. Une fraction de
seconde d’inattention suffit pour que l’ennemi
assène un coup fatal. Le guerrier est attentif aux
petites choses. Parfois il est dur avec
lui-même, mais il préfère agir ainsi. « Le diable réside dans les
détails », dit un vieux proverbe de la
Tradition. 73 Le guerrier de la lumière n’a pas toujours la foi. Il y a des
moments où il ne croit absolument en
rien. Il interroge son cœur : « Un
tel effort en vaut-il la peine ? » Mais son cœur reste
silencieux. Et le guerrier doit décider tout seul. Alors il cherche un exemple.
Et il se souvient que Jésus est passé par une
étape semblable, pour pouvoir vivre
la condition humaine dans sa plénitude. « Éloigne de moi ce calice »,
a dit Jésus. Lui aussi a perdu la force et
le courage, mais il ne s’est pas arrêté. Le guerrier de la lumière
continue sans foi. Mais il poursuit, et la foi
finit par revenir. 74 Le guerrier sait qu’aucun homme n’est une île. Il sait qu’il ne peut pas
lutter seul ; quel que soit son projet, il
dépend toujours d’autres personnes. Il a
besoin de discuter de sa stratégie, de
demander de l’aide et, dans les moments
de repos, d’échanger avec quelqu’un des
histoires de combat. Mais il ne laisse pas les
gens confondre sa camaraderie avec un manque
d’assurance. Il est transparent dans ses
actions et secret dans ses projets. Un guerrier de la lumière
danse avec ses compagnons, mais ne délègue à
personne la responsabilité de ses pas. 75 Entre deux batailles, le guerrier se repose. Souvent, il passe des jours
sans rien faire, parce que son
cœur l’exige. Mais son intuition reste en éveil.
Il ne commet pas le péché capital de la
paresse, car il sait où elle peut le conduire
: à la sensation morne de ces dimanches
après-midi où le temps passe – et rien
d’autre. Le guerrier appelle cela la «
paix du cimetière ». Il se souvient d’un
passage de l’Apocalypse : « Je sais tes
œuvres : tu n’es ni froid ni bouillant. Que
n’es-tu froid ou bouillant ! Mais parce que tu
es tiède, et non froid ou bouillant, je
vais te vomir de ma bouche. » Un guerrier s’amuse et rit.
Mais il est toujours attentif. 76 Le guerrier de la lumière sait que tout le monde a peur de tout
le monde. Cette peur se manifeste en
général de deux façons : par
l’agressivité ou par la soumission. Ce sont les deux
faces du même problème. Pour cette raison, quand il
se trouve devant quelqu’un qui lui
inspire de la peur, le guerrier se rappelle que
l’autre aussi ressent l’insécurité. Il a
surmonté des obstacles semblables, il a traversé les
mêmes difficultés. Mais il sait mieux affronter
la situation. Pourquoi ? Parce qu’il
utilise la peur comme un moteur, et non comme
un frein. Alors le guerrier apprend de
l’adversaire, et il agit comme lui. 77 Pour le guerrier, il n’existe pas d’amour impossible. Il ne se laisse pas intimider
par le silence, par l’indifférence
ou par le rejet. Il sait que, derrière le masque
glacé dont se servent les gens, il y a un
cœur de braise. Aussi le guerrier prend-il
plus de risques que les autres. Il cherche
sans répit l’amour de quelqu’un – même si cela
implique d’entendre souvent le mot «
non », de rentrer chez soi vaincu, de se sentir
rejeté corps et âme. Un guerrier ne se laisse pas
effrayer quand il cherche ce dont il a
besoin. Sans amour, il n’est rien. 78 Le guerrier de la lumière connaît le silence qui précède un combat décisif. Et ce silence semble dire : «
Les choses se sont arrêtées. Mieux vaut
laisser la lutte de côté et s’amuser un peu. » Les combattants sans
expérience jettent alors leurs armes et se
plaignent de l’ennui. Le guerrier, lui, est
attentif au silence ; quelque part, quelque chose
se produit. Il sait que les tremblements de
terre destructeurs surviennent sans prévenir.
Pour avoir traversé des forêts de
nuit, il sait que, lorsque les animaux ne
font aucun bruit, le danger est proche. Tandis que les autres
conversent, le guerrier se prépare à manier l’épée et
scrute l’horizon. 79 Le guerrier de la lumière croit. Parce qu’il croit aux
miracles, les miracles commencent à se
produire. Parce qu’il a la certitude
que sa pensée peut changer sa vie, sa vie
se met à changer. Parce qu’il est
certain qu’il va trouver l’amour, cet amour
apparaît. De temps en temps, il est
déçu. Quelquefois, il se blesse. Alors il entend les
commentaires : « Comme il est ingénu! » Mais le guerrier sait que
c’est le prix à payer. Pour chaque défaite, il a
deux conquêtes à son actif. Tous ceux qui croient le
savent. 80 Le guerrier de la lumière a appris qu’il est préférable de
suivre la lumière. Il a trahi, menti,
il s’est écarté de son chemin, il a
rompu des trêves. Et tout a continué de
lui réussir – comme si rien ne s’était
passé. Cependant, un abîme surgit
subitement. On peut faire mille pas
fermement – un simple pas de plus peut être
la fin de tout. Alors le guerrier s’arrête à
temps. Il s’est arrêté car il a
entendu quatre commentaires : « Tu as toujours commis des erreurs. Tu es trop vieux
pour changer. Tu n’es pas bon. Tu ne le
mérites pas. » Alors il lève les yeux vers
le ciel. Et une voix dit : « Tout le monde
commet des erreurs. Tu es pardonné, mais
je ne peux pas te pardonner malgré toi.
Décide-toi. » Le véritable guerrier de la
lumière accepte le pardon. 81 Le guerrier de la lumière cherche toujours à s’améliorer. Chaque coup de son épée porte en lui des siècles de sagesse
et de méditation. Chaque coup doit avoir la
force et l’habileté de tous les
guerriers du passé, qui, aujourd’hui encore,
continuent de bénir la lutte. Chaque
mouvement au combat rend hommage aux
gestes que les générations antérieures ont
voulu transmettre par l’intermédiaire de la
Tradition. Le guerrier développe la
beauté de ses coups. 82 Un guerrier de la lumière est digne de confiance. Il commet certaines erreurs
et se juge parfois plus important
qu’il ne l’est réellement. Mais il ne ment
pas. Quand il les rejoint autour
du feu, il converse avec ses compagnes
et ses compagnons. Il sait que les mots qui sortent de sa bouche sont conservés
dans la mémoire de l’Univers comme un
témoignage de ce qu’il pense. Et le guerrier réfléchit : «
Pourquoi est-ce que je parle tant, alors que
bien souvent je ne suis pas capable de faire
tout ce que je dis ? – Les idées que tu défends
publiquement, il faudra t’efforcer de vivre
en accord avec elles », répond son cœur. C’est parce qu’il pense être
ce qu’il dit que le guerrier finit par devenir
ce qu’il affirme être. 83 Le guerrier sait que le combat s’interrompt, de temps à autre. Il ne sert à rien de précipiter la
lutte ; il est nécessaire d’avoir de la
patience, d’attendre que les forces
s’entrechoquent de nouveau. Dans le silence du champ de
bataille, il écoute les battements de son
cœur et constate qu’il est tendu,
qu’il a peur. Il fait un bilan de sa vie ;
il vérifie que son épée est aiguisée, son cœur
satisfait, et que la foi embrase son âme.
Il sait que la préparation est aussi
importante que l’action. Il manque toujours quelque
chose. Et le guerrier profite des moments où
le temps est suspendu pour mieux se
préparer. 84 Un guerrier sait qu’un ange et un démon se disputent la main
qui tient l’épée. Le démon dit : « Tu vas
faiblir. Tu ne vas pas savoir quel est le bon
moment. Tu as peur. » L’ange dit : « Tu vas
faiblir. Tu ne vas pas savoir quel est le bon
moment. Tu as peur. » Le guerrier est surpris. Tous
deux ont dit la même chose. Le démon continue : «
Laisse-moi t’aider. » Et l’ange dit : « Je t’aide.
» Le guerrier comprend alors la
différence. Les mots sont les mêmes, mais
les alliés sont dissemblables. Et il choisit la main de son
ange. 85 Chaque fois que le guerrier sort son épée du fourreau, il s’en
sert. Il peut s’en servir pour
ouvrir un chemin, venir en aide à
quelqu’un ou éloigner un danger. Mais une épée est
capricieuse, et elle n’aime pas que sa
lame soit exposée sans raison. C’est pourquoi un guerrier ne
profère jamais de menaces. Il peut
attaquer, se défendre ou fuir – chacune de
ces attitudes fait partie du combat. Ce qui
n’en fait pas partie, c’est de
gaspiller sa force d’un coup, en en parlant. Un guerrier est toujours
vigilant aux mouvements de son épée. Mais il ne peut
pas oublier que l’épée, elle
aussi, prête attention à ses mouvements à lui. La force d’une épée se passe
des mots. 86 Quelquefois, le mal poursuit le guerrier. Alors,
tranquillement, celui-ci l’invite à entrer
dans sa tente. Le guerrier demande au
mal : « Veuxtu me blesser, ou te servir de
moi pour blesser les autres? » Le mal feint de ne pas
entendre. Il prétend connaître les failles de l’âme
du guerrier. Il frappe sur des blessures non
cicatrisées et crie vengeance. Il rappelle
qu’il est le seul à connaître des pièges et des
poisons subtils qui aideront le guerrier à
détruire tous ses ennemis. Le guerrier de la lumière
écoute. Si le mal a un moment de distraction,
il le prie de poursuivre son discours et
lui demande des détails sur tous ses
projets. Puis il se lève et s’en va.
Le mal a tant parlé, il est tellement
fatigué et si vide qu’il ne parviendra même pas
à le suivre. 87 Involontairement, le guerrier fait un faux pas et plonge dans
l’abîme. Les fantômes l’effraient, la
solitude le tourmente. Lui qui a toujours
cherché le Bon Combat, il n’imaginait
pas que cela pourrait lui arriver. C’est pourtant le cas.
Enveloppé par les ténèbres, il communique alors
avec son maître. « Maître, dit-il, je suis
tombé dans l’abîme. Les eaux sont profondes et
obscures. – Souviens-toi d’une chose,
répond le maître. Ce qui noie
quelqu’un, ce n’est pas le plongeon, mais le fait de
rester sous l’eau. » Et le guerrier rassemble
toutes ses forces pour sortir de la situation
dans laquelle il se trouve. 88 Le guerrier de la lumière se comporte comme un enfant. Les gens sont choqués. Ils
ont oublié qu’un enfant a besoin
de jouer, d’être un peu irrévérencieux,
de poser des questions inconvenantes et
immatures, de dire des sottises auxquelles
lui-même ne croit pas. Les gens demandent, horrifiés
: « C’est ça le chemin spirituel? Cet
homme n’a aucune maturité! » Le guerrier s’enorgueillit de
ce commentaire. Et il reste en contact avec
Dieu, grâce à son innocence et sa
joie. Mais jamais il ne perd de vue sa
mission. 89 La racine latine du mot « responsabilité » révèle sa signification : c’est la capacité à répondre,
à réagir. Un guerrier responsable a été
capable d’observer et de s’entraîner.
Il a même pu être « irresponsable »
lorsque, parfois, il s’est laissé surprendre par
une situation et n’y a pas répondu, ni réagi. Mais il a retenu la leçon ;
il a adopté une conduite, il a écouté un
conseil, il a eu l’humilité d’accepter de
l’aide. Un guerrier responsable n’est
pas celui qui porte sur ses épaules le
poids du monde ; c’est celui qui a appris à
reconnaître les défis de chaque instant. 90 Un guerrier de la lumière ne peut pas toujours choisir son
champ de bataille. Quelquefois, il est entraîné
par surprise au milieu de combats qu’il ne
désirait pas mener ; mais fuir n’avance à
rien, car ces combats le suivront. Alors, au moment où le
conflit devient quasi inévitable, le guerrier
converse avec son adversaire. Sans montrer
de peur ou de lâcheté, il cherche à
savoir pourquoi l’autre veut la lutte ; pour
quelles raisons il a quitté son village et l’a
provoqué en duel. Sans dégainer son épée, le
guerrier le convainc que ce combat n’est
pas le sien. Un guerrier de la lumière
écoute ce que son adversaire a à lui dire.
Et il ne lutte que si c’est nécessaire. 91 Le guerrier de la lumière éprouve une sorte de terreur devant
des décisions importantes. « Ceci est trop grand pour
toi », lui dit un ami. « Va de l’avant, sois
courageux », dit un autre. Et ses doutes augmentent. Après quelques jours
d’angoisse, il se recueille dans sa tente, où
il a coutume de s’asseoir pour méditer et
prier. Il se projette dans le futur. Il voit qui
tirera profit ou désavantage de son
attitude. Il ne souhaite pas causer de souffrances
inutiles, mais il ne veut pas non plus
abandonner le chemin. Le guerrier laisse alors la
décision se manifester. S’il faut dire oui, il le dira avec courage. S’il faut dire non, il le fera sans lâcheté. 92 Un guerrier de la lumière assume entièrement sa Légende
Personnelle. Ses compagnons commentent : «
Sa foi est admirable ! » Le guerrier est fier pendant
un bref instant, mais bien vite il a honte de
ce qu’il a entendu, car il n’éprouve pas
la foi qu’il montre. À ce moment son ange lui
murmure : « Tu es seulement un instrument de
la lumière. Tu n’as aucune raison de
t’enorgueillir, ni de te sentir coupable ; il
n’y a de motif que de joie. » Et le guerrier de la lumière,
conscient d’être un instrument, se sent
plus tranquille et plus sûr de lui. 93 «Hitler a peut-être perdu la guerre sur le champ de bataille,
mais il a finalement gagné quelque chose, dit Marek Halter.
Parce que l’homme du XXe siècle a créé le camp de concentration et ressuscité la torture, et
enseigné à ses semblables qu’il est
possible de fermer les yeux sur les malheurs des
autres. » Peut-être a-t-il raison : il
y a des enfants abandonnés, des civils
massacrés, des innocents incarcérés, des
vieillards solitaires, des ivrognes dans le
caniveau, des fous au pouvoir. Mais peut-être n’a-t-il pas
du tout raison : il y a les guerriers de la
lumière. Et les guerriers de la
lumière n’acceptent jamais l’inacceptable. 94 Le guerrier de la lumière n’oublie jamais le vieux dicton : le
bon chevreau ne rugit pas. Il existe des injustices.
Tous les hommes peuvent être entraînés dans
des situations qu’ils ne méritent pas – en
général quand ils sont dans l’incapacité de
se défendre. Souvent la défaite frappe à
la porte du guerrier. Dans ces
moments-là, il reste silencieux. Il ne dépense pas
son énergie en vaines paroles ; mieux
vaut dépenser ses forces pour résister,
être patient, et se rappeler que Quelqu’un
regarde. Quelqu’un qui a vu la souffrance
injuste et ne s’en satisfait pas. Ce Quelqu’un donne au
guerrier ce dont il a le plus besoin : du temps.
Tôt ou tard, tout recommencera à conspirer
en sa faveur. Un guerrier de la lumière est
sage. Il ne commente pas ses défaites. 95 La vie d’une épée peut être brève, mais celle d’un guerrier de
la lumière doit durer longtemps. Pour cela, il ne se laisse
pas abuser par ses propres capacités et il évite
de se laisser surprendre. Il accorde à
chaque chose la valeur qu’elle mérite. Souvent, face à de graves
problèmes, le démon lui souffle à l’oreille
: « Inutile de t’inquiéter, ce n’est pas sérieux.
» D’autres fois, dans des
circonstances banales, le démon lui intime
: « Tu dois mettre toute ton énergie à
résoudre cette situation. » Le guerrier n’écoute pas les
paroles du démon. Il est le maître de son épée. 96 Un guerrier de la lumière est toujours vigilant. Il ne demande pas aux autres
la permission de brandir son
épée. Il ne perd pas non plus de temps à
expliquer ses gestes ; fidèle aux décisions
de Dieu, il répond de ce qu’il fait. Il regarde à ses côtés et
reconnaît ses amis. Il regarde derrière lui
et reconnaît ses adversaires. Il est
implacable avec la trahison, mais ne se venge
pas ; il se contente d’éloigner les
ennemis de sa vie, sans lutter avec eux plus
longtemps qu’il n’est nécessaire. Un guerrier ne tente pas de
paraître, il est. 97 Un guerrier ne prend pas pour compagnon quelqu’un qui lui veut du mal. On ne le voit
pas non plus auprès de ceux qui
désirent le « consoler ». Il évite ceux qui ne sont à
ses côtés qu’en cas de défaite : ces faux
amis veulent prouver que la faiblesse présente des
avantages. Ils apportent toujours de
mauvaises nouvelles et tentent de détruire la
confiance en soi du guerrier – sous le
manteau de la « solidarité ». Quand ils le voient blessé,
ils se répandent en larmes, mais – au fond de
leur cœur – ils se réjouissent parce que le
guerrier a perdu une bataille. Ils ne
comprennent pas que cela aussi fait partie du
combat. Les véritables compagnons
d’un guerrier sont auprès de lui à tous les
instants, aux heures difficiles comme aux
moments heureux. 98 Au commencement de sa lutte, le guerrier de la lumière a
affirmé : « Je fais des rêves. » Au bout de quelques années,
il pressent qu’il lui est possible de
parvenir là où il veut. Il sait qu’il va être
récompensé. Alors, il se sent triste. Il
connaît le malheur d’autrui, la solitude, les
frustrations qui accompagnent une grande
partie de l’humanité. Le guerrier de la lumière
songe qu’il ne mérite pas ce qu’il
va recevoir. Son ange lui murmure : «
Donne tout. » Le guerrier s’agenouille et
offre à Dieu ses conquêtes. Le don l’oblige à cesser de
poser des questions stupides, et l’aide à
surmonter sa culpabilité. 99 Le guerrier de la lumière a une épée dans les mains. C’est lui qui
décide de ce qu’il fera ou ne fera
en aucune circonstance. Il y a des moments où la vie
le conduit à une crise : il est forcé de se
séparer de choses qu’il a toujours aimées.
Alors le guerrier réfléchit. Il se demande s’il
accomplit la volonté de Dieu ou s’il agit
par égoïsme. Si la séparation était
vraiment sur son chemin, il l’accepte sans se
plaindre. Mais si elle a été provoquée
par la perversité d’autrui, il se montre
implacable dans sa réponse. Le guerrier possède l’art du
coup, et l’art du pardon. Il sait user de
l’un et de l’autre avec la même habileté. 100 Le guerrier de la lumière ne tombe pas dans le piège du mot «
liberté ». Quand un peuple est opprimé,
la liberté est un concept clair.
Alors, se servant de son épée et de son
bouclier, il lutte jusqu’au bout de ses forces
et risque sa vie. Devant l’oppression, la
liberté est une notion facile à comprendre :
c’est l’opposé de l’esclavage. Mais parfois le guerrier
entend les anciens dire : « Quand je cesserai de
travailler, je serai libre. » Et puis, au
bout d’un an, ils se plaignent : « La vie n’est
qu’ennui et routine. » Dans ce cas, la liberté est
plus difficile à comprendre ; elle signifie
absence de sens. Un guerrier de la lumière est
toujours engagé. Il est esclave de son
rêve, et libre de ses pas. |
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101 Un guerrier de la lumière ne répète pas à l’infini la même lutte – surtout quand il note qu’il n’y a ni avancée ni
recul. Si le combat, au bout d’un
certain temps, ne progresse pas, il comprend
qu’il faut s’asseoir avec l’ennemi et
discuter d’une trêve. Ayant déjà l’un et l’autre
pratiqué l’art de l’épée, ils doivent maintenant
trouver un terrain d’entente. C’est un
geste de dignité, non de lâcheté. C’est un
équilibre de forces et un revirement de
stratégie. Les plans de paix tracés, les
guerriers rentrent chez eux. Ils n’ont rien à
prouver à personne ; ils ont mené le
Bon Combat et gardé la foi. Chacun a cédé
un peu, apprenant ainsi l’art de la
négociation. 102 Ses amis demandent au guerrier de la lumière d’où lui vient son
énergie. « De l’ennemi caché »,
dit-il. Ses amis lui demandent qui
est cet ennemi. Le guerrier répond : «
Quelqu’un que nous ne pouvons pas punir. » Ce peut être un gamin qui l’a
battu lors d’une bagarre durant son
enfance, la petite amie qui l’a quitté
lorsqu’il avait onze ans, le professeur qui
le traitait d’imbécile. Quand il est las, le guerrier
se rappelle qu’il n’a pas encore eu
l’occasion de prouver son courage. Il ne pense pas à la
vengeance, parce que l’ennemi caché ne fait plus
partie de son histoire. Il pense seulement
à accroître son habileté, pour que ses
exploits fassent le tour du monde et parviennent
aux oreilles de celui qui l’a
blessé autrefois. La douleur d’hier s’est
transformée en force d’aujourd’hui. 103 Un guerrier de la lumière bénéficie toujours d’une seconde chance dans la vie. Comme tous les autres hommes
ou femmes, il n’est pas né en
sachant manœuvrer son épée. Il s’est souvent
trompé avant de découvrir sa Légende
Personnelle. Aucun guerrier ne peut
s’asseoir autour du feu près des autres et
prétendre : « J’ai toujours agi correctement. » Celui qui
affirme cela ment et n’a pas encore appris
à se connaître lui-même. Le véritable guerrier de la
lumière a commis des injustices par le passé.
Mais, au cours de son voyage, il comprend
qu’un jour ou l’autre il rencontrera de
nouveau les gens envers lesquels il s’est mal
comporté. La chance lui est offerte de
réparer le mal qu’il a causé. Il la saisit
toujours, sans hésiter. 104 Un guerrier est pur comme la colombe et prudent comme le serpent. Quand il discute avec les
autres, il ne juge pas leur comportement. Il sait que, pour répandre le
mal, les ténèbres tissent un filet
invisible où viennent se prendre toutes les
informations qui passent ; elles se
transforment alors en intrigue et en jalousie qui
parasitent l’âme humaine. Ainsi, tout ce qui est dit
d’une personne finit par arriver aux oreilles
de ses ennemis, augmenté d’une charge obscure
de poison et de méchanceté. C’est pourquoi lorsque le
guerrier de la lumière parle de l’attitude
de son frère, il imagine que celui-ci est
présent et écoute ses paroles. 105 Ainsi dit le Bréviaire de la Chevalerie médiévale : « L’énergie spirituelle du
Chemin nécessite justice et patience
pour préparer ton esprit. « Tel est le Chemin du
Chevalier : un chemin facile et difficile à la
fois, car il implique de renoncer aux
choses inutiles et aux amitiés marginales.
C’est pourquoi, au début, on hésite à le
suivre. « Voici le premier
enseignement de la Chevalerie : tu effaceras ce
que tu as écris jusqu’à présent sur le cahier
de ta vie : inquiétude, manque
d’assurance, mensonge. À la place, tu écriras le mot
courage. En commençant le voyage avec
ce mot, et en le poursuivant avec la foi
en Dieu, tu arriveras là où tu dois
arriver. » 106 Quand approche le moment du combat, le guerrier de la
lumière est prêt à toutes les
éventualités. Il analyse toutes les
stratégies, et il s’interroge : « Qu’est-ce que je ferais
si je devais lutter contre moi-même ? » De
cette manière, il découvre ses
points faibles. Alors l’adversaire
s’approche, le sac plein de promesses, de traités, de
négociations. Ses propositions sont
séduisantes et les solutions qu’il suggère,
faciles. Le guerrier analyse chacune
d’elles ; lui aussi cherche un accord, mais
sans perdre sa dignité. S’il évite le
combat, ce ne sera pas parce qu’il a été séduit,
mais parce qu’il a trouvé que c’était la
meilleure stratégie. Un guerrier de la lumière
n’accepte pas de cadeaux de son ennemi. 107 Alors je répète : Les guerriers de la lumière
se reconnaissent au premier
regard. Ils sont au monde, ils font
partie du monde, et ils ont été envoyés
au monde sans besace ni sandales.
Souvent ils sont lâches. Et ils n’agissent pas
toujours correctement. Les guerriers de la lumière
souffrent pour des sottises, ils se
préoccupent de choses mesquines, se jugent
incapables de grandir. De temps en temps, ils se
croient indignes d’une bénédiction ou
d’un miracle. Les guerriers de la lumière
se demandent fréquemment ce qu’ils font
ici. Souvent ils trouvent que leur vie n’a pas
de sens. C’est pour cela qu’ils sont
des guerriers de la lumière. Parce qu’ils se
trompent. Parce qu’ils s’interrogent. Parce
qu’ils continuent de chercher un sens. Et ils
finiront par le trouver. 108 Le guerrier de la lumière se réveille maintenant de son rêve. Il pense : « Je ne sais pas
affronter cette lumière qui me fait
grandir. » La lumière, cependant, ne
disparaît pas. Il se demande : « Serait-ce
que des changements que je n’ai pas la volonté de
réaliser sont nécessaires ? » La lumière est toujours là,
parce que la volonté est un mot plein de
ruse. Alors, les yeux et le cœur du
guerrier commencent à s’accoutumer à la lumière.
Elle ne lui fait plus peur ; il se
met à accepter sa Légende, même si cela
implique de courir des risques. Le guerrier a dormi pendant
très longtemps. Il est naturel qu’il se
réveille petit à petit. 109 Le lutteur expérimenté supporte les insultes ; il connaît la
force de son poing, l’habileté de ses
coups. Il regarde au fond des yeux
l’adversaire mal préparé, et il gagne sans
même avoir besoin de porter le combat
sur le plan physique. À mesure que le guerrier
apprend avec son maître spirituel, la lumière
de la foi brille aussi dans ses yeux, et il
n’a pas besoin de prouver quoi que ce soit à
personne. Peu importent les arguments
agressifs de l’adversaire – qui affirme que Dieu est
superstition, que les miracles sont des
farces, que croire aux anges est fuir
la réalité. Comme le lutteur, le guerrier
de la lumière connaît son immense force ;
et jamais il ne lutte avec quelqu’un qui ne
mérite pas l’honneur du combat. 110 Le guerrier de la lumière doit toujours garder à l’esprit les cinq règles du combat écrites par Tchouang-tseu il y a plus de
deux mille ans : La foi : avant d’entreprendre
une bataille, il faut croire au motif de la
lutte. Le compagnon : choisis tes
alliés et apprends à combattre à leurs
côtés, car personne ne gagne une guerre
tout seul. Le temps : une bataille en
hiver est différente d’une bataille en été ; un
bon guerrier choisit le moment
d’entreprendre le combat. L’espace : on ne lutte pas
pareillement dans un défilé et dans une
plaine. Considère l’espace qui
t’entoure et la meilleure manière de t’y
mouvoir. La stratégie : le meilleur
guerrier est celui qui planifie son combat. 111 Le guerrier connaît rarement le résultat d’une bataille quand celle-ci se termine. Le mouvement de la lutte a
engendré beaucoup d’énergie autour de lui,
et il y a un moment où la victoire et
la défaite sont également possibles. Le temps
lui dira s’il a gagné ou perdu ; mais il
sait que, à partir de ce moment, on ne peut plus
rien faire : l’issue de cette bataille se
trouve entre les mains de Dieu. Le guerrier de la lumière ne
se préoccupe pas des résultats. Il examine
son cœur et demande : « Ai-je mené le Bon
Combat ? » Si la réponse est positive,
il se repose. Si la réponse est négative, il
saisit son épée et reprend l’entraînement. 112 Le guerrier de la lumière a en lui l’étincelle de Dieu. Son
destin est d’être avec les autres
guerriers, mais parfois il lui faudra
pratiquer, solitaire, l’art de manier l’épée. Aussi, quand il est séparé de
ses compagnons, se comporte-t-il telle une
étoile. Il illumine la partie de
l’Univers qui lui est destinée et révèle des
galaxies et des mondes à tous ceux qui
regardent vers le ciel. La persévérance de ce
guerrier sera bientôt récompensée. Peu à peu, les
autres guerriers s’approchent, se
réunissant en constellations, avec leurs
symboles et leurs mystères. 113 Parfois le guerrier de la lumière a l’impression de vivre deux
vies en parallèle. Dans l’une, il est obligé de
faire tout ce qu’il ne veut pas, de lutter
pour des idées auxquelles il ne croit pas.
Mais il existe une autre vie, et il la
découvre dans ses rêves, ses lectures, ses
rencontres avec des êtres qui pensent comme
lui. Le guerrier permet à ses deux
vies de se rapprocher. « Il y a un pont
qui relie ce que je fais et ce que j’aimerais
faire », penset- il. Peu à peu, ses rêves
envahissent sa routine, jusqu’au moment où
il se sent prêt pour ce qu’il a toujours
désiré. Alors, il suffit d’un peu
d’audace, et les deux vies ne font plus
qu’une. 114 Écris de nouveau ce que je t’ai déjà dit : Le guerrier de la lumière a
besoin de temps pour soi. Et il
consacre ce temps au repos, à la contemplation,
au contact avec l’Âme du Monde. Même au
beau milieu d’un combat, il
parvient à méditer. En certaines occasions, le
guerrier s’assoit, se détend, et laisse advenir
tout ce qui advient autour de lui. Il
regarde le monde comme s’il était un
spectateur, il n’essaie pas d’être plus
grand ou plus petit : il ne fait que
s’abandonner sans résistance au flux de la vie. Peu à peu, tout ce qui
semblait compliqué devient simple. Et le guerrier
est heureux. 115 Le guerrier prend garde aux gens qui pensent connaître le
chemin. Ils sont toujours tellement
sûrs de leur propre capacité de
décider qu’ils ne perçoivent pas l’ironie avec
laquelle le destin écrit la vie de
chacun, et ils protestent chaque fois que l’inévitable
frappe à leur porte. Le guerrier de la lumière
fait des rêves, et ses rêves le poussent vers
l’avant. Mais il ne commet jamais l’erreur de
penser que le chemin est facile et que
la porte est large. Il sait que l’Univers fonctionne
à l’image de l’alchimie : dissous et coagule, disent les maîtres. « Concentre et
disperse Tes énergies en accord avec la situation.
» Il y a des moments pour agir
et des moments pour accepter. Le
guerrier sait faire cette distinction. 116 Le guerrier de la lumière, quand il apprend à manier l’épée,
découvre que son bagage doit être
complet – et cela comprend une armure. Il part à la recherche de son
armure et entend les propositions de
divers vendeurs. « Utilise la cuirasse de la
solitude », dit l’un. « Sers-toi du bouclier du
cynisme », suggère l’autre. « La meilleure armure est de
ne s’engager dans rien », affirme un
troisième. Mais le guerrier n’écoute
pas. Avec sérénité, il va jusqu’à son lieu sacré
et revêt le manteau indestructible de la
foi. La foi pare tous les coups.
La foi transforme le poison en eau cristalline. 117 «Je crois tout ce que les gens me disent et je suis toujours
déçu », se lamentent les compagnons. Il est important de faire
confiance aux autres ; un guerrier de la
lumière ne redoute pas les déceptions –
parce qu’il connaît le pouvoir de son
épée et la force de son amour. Cependant, il parvient à
poser des limites : accepter les signes de Dieu
et comprendre que les anges nous adressent
des conseils par la bouche de notre
prochain est une chose ; être incapable de
prendre des décisions par soi-même et chercher en
permanence un moyen de laisser les
autres nous dire ce que nous devons faire
en est une autre. Un guerrier fait confiance
aux autres parce que, d’abord, il a confiance
en lui. 118 Le guerrier de la lumière regarde la vie avec douceur et fermeté. Il est face à un mystère
dont, un jour, il trouvera la réponse. À chaque pas, il se dit : «
Mais cette vie paraît une folie ! » Il a raison. Livré au miracle
du quotidien, il note qu’il n’est pas toujours
capable de prévoir les conséquences de
ses actes. Parfois il agit sans savoir
qu’il agit, il sauve sans savoir qu’il sauve, il
souffre sans savoir pourquoi il est
triste. Oui, cette vie est une folie.
Mais la grande sagesse du guerrier de la
lumière consiste à bien choisir sa folie. 119 Le guerrier de la lumière contemple les deux colonnes de part et d’autre de la porte qu’il
prétend ouvrir. L’une s’appelle Peur,
l’autre s’appelle Désir. Le guerrier regarde la
colonne de la Peur, et là il est écrit : « Tu vas
entrer dans un monde inconnu et dangereux,
où tout ce que tu as appris jusqu’à
présent ne te servira à rien. » Le guerrier regarde la
colonne du Désir, et là il est écrit : « Tu vas
quitter un monde connu, où sont conservées les
choses que tu as toujours aimées et pour
lesquelles tu as tant lutté. » Le guerrier sourit parce
qu’il n’est rien qui lui fasse peur, ni rien qui
le retienne. Avec l’assurance de quelqu’un qui
sait ce qu’il veut, il ouvre la porte. 120 Un guerrier de la lumière s’applique à un puissant exercice de développement intérieur : il
prête attention aux gestes qu’il
accomplit machinalement – comme
respirer, cligner des yeux ou observer les
objets autour de lui. Il le fait toujours quand il
se sent confus. Ainsi, il se libère des
tensions et laisse son intuition agir plus librement
– sans qu’interfèrent ses peurs ou ses désirs.
Certains problèmes qui semblaient
insolubles finissent par se résoudre,
certaines douleurs qu’il jugeait insupportables
se dissipent spontanément. Quand il doit affronter une
situation difficile, il utilise cette technique. 121 Le guerrier de la lumière entend des commentaires comme : « Il
y a des choses dont je ne veux
pas parler pour ne pas faire
d’envieux. » À ces mots, le guerrier rit.
L’envie ne peut causer aucun mal si elle
n’est pas acceptée. Elle fait partie de la vie,
et tout le monde doit apprendre à
l’affronter. Cependant, il parle rarement
de ses projets. Et parfois les gens pensent
qu’il redoute l’envie. Ce n’est pas cela : il connaît
le pouvoir des mots. Chaque fois qu’il parle
d’un rêve, il use un peu de l’énergie de ce
rêve pour s’exprimer. Et à trop parler,
il court le risque d’épuiser l’énergie
qui lui est nécessaire pour agir. Un guerrier de la lumière
connaît le pouvoir des mots. 122 Le guerrier de la lumière connaît la valeur de la persévérance et
du courage. Très souvent, au
cours du combat, il reçoit des coups
auxquels il ne s’attendait pas. Il sait que, durant la
guerre, l’ennemi gagnera quelques batailles.
Lorsque cela se produit, il pleure de
tristesse et se repose pour reprendre des
forces. Puis aussitôt il retourne lutter
pour ses rêves. Car plus il restera à
l’écart, plus il risquera de se sentir faible,
craintif, intimidé. Si un cavalier tombe de cheval et
ne remonte pas en selle dans la minute
qui suit, jamais il n’aura le courage de
recommencer. 123 Un guerrier connaît la valeur des choses. Il décide de ses
actes en se fondant sur
l’inspiration et la foi. Cependant, il rencontre
parfois des personnes l’invitant à intervenir dans
des luttes qui ne sont pas les
siennes, sur des champs de bataille qu’il ne
connaît pas, ou qui ne l’intéressent pas.
Elles veulent l’entraîner dans des défis
importants pour elles, mais pas pour lui. Souvent ce sont des gens
proches, qui aiment le guerrier, ont
confiance en sa force, et – comme ils sont
anxieux – désirent absolument son aide. Dans ces moments-là, il
sourit et témoigne son amour, mais il ne cède
pas à la provocation. Un véritable guerrier de la
lumière choisit toujours lui-même son champ
de bataille. 124 Le guerrier de la lumière sait perdre. Il ne considère pas la
défaite d’un air détaché, avec des phrases
du genre : « Bon, ça n’a pas
d’importance », ou « En réalité, je ne le voulais pas
vraiment ». Il accepte la défaite comme telle
et ne tente pas de la transformer en
victoire. La douleur des blessures,
l’indifférence des amis, la solitude de la
perte le rendent amer. Dans ces moments-là, il
se dit : « J’ai lutté pour quelque chose, et
je n’ai pas réussi. J’ai perdu la
première bataille. » Cette phrase lui donne des
forces nouvelles. Il sait qu’on ne peut pas
toujours gagner, et il distingue ses
actions pertinentes de ses erreurs. 125 Quand nous désirons quelque chose, l’Univers entier
conspire en notre faveur. Le guerrier
de la lumière le sait. C’est pourquoi il fait très
attention à ses pensées. Cachés derrière
toutes sortes de bonnes intentions, se
trouvent des sentiments que personne n’ose s’avouer :
la vengeance, l’autodestruction,
la culpabilité, la peur de la victoire, la joie
macabre devant la tragédie qui
affecte les autres. L’Univers ne juge pas : il
conspire en faveur de nos désirs. Aussi
le guerrier a-t-il le courage de regarder les
zones d’ombre de son âme ; il s’efforce de
les illuminer de la lumière du pardon. Et il fait toujours très
attention à ce qu’il pense. 126 Jésus disait : « Que ton oui soit oui et que ton non soit non. » Quand
le guerrier assume une
responsabilité, il tient parole. Ceux qui font une promesse et
ne la respectent pas perdent l’estime
d’euxmêmes, ils ont honte de leurs actes.
Leur existence consiste à fuir.
Ils dépensent beaucoup plus d’énergie en
n’honorant pas leur parole que le
guerrier de la lumière n’en utilise pour
tenir ses engagements. Parfois aussi, le guerrier
assume étourdiment une responsabilité qui aura
pour lui des conséquences
préjudiciables. Il ne reproduira pas cette
attitude, mais cela ne l’empêchera pas d’honorer sa
parole et de payer le prix de son
impulsivité. 127 Quand il gagne une bataille, le guerrier fait la fête. Cette
victoire lui a coûté de durs efforts, des nuits de doute, des jours
d’attente interminable. Depuis les
temps anciens, fêter un triomphe fait partie
du rituel de la vie : la célébration est un
rite de passage. Les compagnons assistent à la
joie du guerrier de la lumière et ils
songent : « Pourquoi fait-il cela ? Il
peut être déçu lors de son prochain combat.
Il peut s’attirer la fureur de l’ennemi. » Mais le guerrier connaît le
motif de son geste. Il profite du meilleur
cadeau que la victoire puisse lui apporter
: la confiance en soi. Il célèbre aujourd’hui sa
victoire d’hier, afin d’avoir plus de force
pour la bataille de demain. 128 Un jour, sans que rien l’ait laissé prévoir, le guerrier découvre
qu’il ne lutte plus avec le même enthousiasme. Il continue d’agir
en tout comme il le faisait, mais
chaque geste semble avoir perdu son sens. Dès lors, il n’a qu’un choix
: continuer de pratiquer le Bon Combat. Il
fait ses prières par obligation, ou par
crainte, ou pour quelque motif que ce soit,
mais il n’interrompt pas son chemin. Il sait que l’ange de Celui
qui l’inspire est allé faire un tour. Le
guerrier garde son attention tournée vers sa
lutte, et il persévère, même lorsque tout lui paraît
vain. Bientôt, l’ange reviendra et,
au simple bruissement de ses ailes, la
joie sera de nouveau là. 129 Le guerrier de la lumière partage avec les autres sa
connaissance du chemin. Celui qui aide est
toujours aidé, et il a besoin
d’enseigner ce qu’il a appris. Aussi
s’assoit-il près du feu pour raconter comment s’est
passée sa journée de lutte. Un ami murmure : « Pourquoi
parler aussi ouvertement de ta stratégie ?
Ne vois-tu pas que, en agissant ainsi,
tu cours le risque de devoir partager tes
conquêtes avec les autres ? » Le guerrier se contente de
sourire et ne répond pas. Il sait que s’il
parvient au terme de son voyage dans un
paradis vide, son combat n’en aura pas valu
la peine. 130 Le guerrier de la lumière a appris que Dieu se sert de la
solitude pour enseigner la
convivialité. Il use de la colère pour montrer
la valeur infinie de la paix. De
l’ennui pour mettre en évidence l’importance de
l’aventure et de l’abandon. Dieu se sert du silence pour
inculquer la responsabilité des mots. De
la fatigue pour que l’on reconnaisse le
prix du repos. De la maladie pour faire
ressortir la bénédiction que représente la santé. Dieu se sert du feu pour nous
instruire sur l’eau. De la terre pour faire
comprendre la valeur de l’air. Il se sert
de la mort pour souligner l’importance de la
vie. 131 Le guerrier de la lumière donne avant qu’on ne lui demande. Voyant cela, certains
commentent : « Celui qui a besoin n’a qu’à
réclamer. » Mais le guerrier de la
lumière sait que beaucoup de gens ne
parviennent pas – simplement ne parviennent pas – à demander de l’aide. Tout près de lui se trouvent
des personnes dont le cœur est si fragile
qu’elles s’engluent dans des amours malsaines ;
elles ont faim d’affection, et
honte de le montrer. Le guerrier les réunit autour
du feu, raconte des histoires, partage sa
nourriture, s’enivre avec elles. Le lendemain,
toutes se sentent mieux. Ceux qui portent sur la
misère un regard indifférent sont les plus
misérables. 132 Les cordes tendues en permanence finissent par se désaccorder.
Les guerriers qui consacrent tout
leur temps à l’entraînement
perdent la spontanéité dans la lutte. Les chevaux
qui font toujours du saut d’obstacles
finissent par se casser la jambe. Les arcs
qui sont bandés chaque jour ne tirent plus
leurs flèches avec la même force. Aussi, même s’il n’y est pas
disposé, le guerrier de la lumière fait
un effort pour se divertir des petites choses
du quotidien. 133 Le guerrier de la lumière écoute Laotseu lorsqu’il dit que nous devons nous défaire de la conscience
des jours et des heures, et
prêter davantage d’attention à chaque minute. Ainsi seulement, il parvient
à résoudre certains problèmes avant
qu’ils ne surviennent. En étant vigilant aux petites choses, il réussit à se
protéger des grandes calamités. Mais penser aux petites
choses ne signifie pas penser petit. Une
préoccupation exagérée finit par éliminer toute
trace de joie de vivre. Le guerrier sait qu’un grand
rêve est formé d’une multitude d’éléments,
de même que la lumière du soleil est la
somme des millions de rayons qui la composent. 134 Le chemin du guerrier traverse parfois des périodes de routine.
Alors il applique un enseignement
de Nahman de Bratzlav : « Si tu ne parviens pas à
méditer, contentetoi de répéter un simple mot,
parce que cela fait du bien à l’âme. Ne
dis rien de plus, répète seulement ce
mot, sans t’arrêter, d’innombrables fois. Il
finira par perdre son sens, puis acquerra une
signification nouvelle. Dieu ouvrira les
portes, et finalement tu n’utiliseras plus que ce
mot pour dire tout ce que tu voudras.
» Quand il est forcé
d’accomplir la même tâche plusieurs fois, le
guerrier recourt à cet exercice et transforme
son ouvrage en prière. 135 Un guerrier de la lumière n’a pas de « certitudes » ; il suit
un chemin auquel il cherche à s’adapter en permanence. Ses techniques de lutte
varient en été et en hiver. Flexible, il ne
juge plus le monde sur la base du « vrai » et du
« faux », mais sur celle de l’« attitude la
plus appropriée à un moment déterminé ». Il sait que ses compagnons
aussi doivent s’adapter, et il n’est pas
surpris lorsque leur comportement change. Il
laisse à chacun le temps nécessaire pour
justifier ses actions. Mais il est implacable avec
la trahison. 136 Un guerrier s’assoit près du feu pour discuter avec ses amis.
Des heures durant, ils s’accusent mutuellement, puis ils
passent le reste de la nuit à dormir sous la même
tente et oublient les invectives qui
ont été prononcées. De temps en temps, un nouveau
venu apparaît dans le groupe.
Comme ils n’ont pas encore une histoire en
commun, ce dernier ne montre que ses
qualités, et certains voient en lui un maître. Le guerrier de la lumière,
pour sa part, ne le compare jamais à ses vieux
compagnons de lutte. L’étranger est le
bienvenu, mais il ne lui fera confiance
que lorsqu’il connaîtra également ses
défauts. Un guerrier de la lumière
n’entreprend pas une bataille sans connaître
les limites de son allié. 137 Le guerrier connaît le vieil adage : « Si le repentir tuait… » Il sait que le repentir tue ;
lentement, il corrode l’âme de celui qui
a commis une erreur et le mène à
l’autodestruction. Le guerrier ne veut pas mourir
de cette manière. Lorsqu’il se
comporte avec perversité ou méchanceté – parce qu’il
est un homme plein de défauts –, il
n’a pas honte de demander pardon. Si c’est encore possible, il
déploie tous ses efforts pour réparer le mal
qu’il a commis. Si la personne qu’il a
blessée est morte, il fait du bien à un étranger et
dédie cette bonne action à l’âme de celui
qui a subi l’injustice. Un guerrier de la lumière ne
se repent pas, parce que le repentir tue. Il
s’humilie, et répare le mal qu’il a causé. 138 Tous les guerriers de la lumière ont entendu leur mère dire : «
Mon enfant a agi ainsi parce
qu’il a perdu la tête, mais il a un bon
fond. » Bien qu’il respecte sa mère,
le guerrier sait qu’il n’en va pas ainsi. Même
s’il ne se culpabilise pas en raison de ses actes
irréfléchis, il ne passe pas non plus son
temps à excuser toutes ses erreurs –
sinon, il ne corrigera jamais son chemin. Il juge avec objectivité le
résultat de ses actes, et non les intentions
qu’il avait lorsqu’il les a exécutés. Il
en assume toutes les conséquences, même
s’il paie le prix fort pour ses erreurs. Un vieux proverbe arabe dit :
« Dieu juge l’arbre à ses fruits, et non
à ses racines. » 139 Avant de prendre une décision importante – déclarer une
guerre, partir avec ses compagnons
pour une autre plaine, choisir un
champ pour semer –, le guerrier se
demande : « Quelle conséquence cela aura-t-il
sur la cinquième génération de mes
descendants? » Un guerrier n’ignore pas que
les actes de chacun ont des répercussions
qui se prolongent fort loin, et il doit savoir
quel monde il laissera aux
générations futures. 140 Quelqu’un avertit le guerrier de la lumière : « Ne provoque pas
une tempête dans un verre d’eau.
» Mais il n’exagère jamais les
difficultés et s’efforce de garder son
sang-froid. Cependant, il ne juge pas la
douleur des autres. Un petit détail – qui ne le
touche en rien – peut déclencher la tempête
qui couvait dans l’âme de son frère. Le
guerrier respecte la souffrance de son prochain
et il n’essaie pas de la comparer à
la sienne. La coupe des souffrances n’a
pas la même taille pour tout le monde. 141 «La première qualité du chemin spirituel est le courage »,
disait Gandhi. Le monde semble menaçant et
dangereux aux lâches. Ils cherchent la
sécurité mensongère d’une vie sans grands défis,
et s’arment jusqu’aux dents pour
défendre ce qu’ils croient posséder. Les
lâches finissent par construire les grilles de
leur propre prison. Le guerrier de la lumière
projette sa pensée au-delà de l’horizon. Il sait
que, s’il ne fait rien pour le monde, personne
ne le fera. Alors il prend part au Bon
Combat et il aide les autres, même sans
comprendre très bien pourquoi il le
fait. 142 Le guerrier de la lumière lit attentivement un texte que l’Âme du Monde inspira à Chico Xavier
: « Quand tu réussis à surmonter
de graves problèmes relationnels, ne
t’arrête pas au souvenir des moments
pénibles, mais à la joie d’avoir traversé cette
épreuve. Quand tu sors d’un long traitement
pour recouvrer la santé, ne pense pas à la
souffrance que tu as dû affronter, mais
à la bénédiction de Dieu qui a permis la
guérison. « Emporte dans ta mémoire,
pour le reste de ton existence, les choses
positives qui ont surgi au milieu des
difficultés. Elles seront une preuve de tes
capacités et te redonneront confiance devant
tous les obstacles. » 143 Le guerrier se concentre sur les petits miracles de la vie
quotidienne. S’il est capable de voir ce qui est beau, c’est qu’il
porte en lui la beauté – puisque le monde est
un miroir qui renvoie à chacun l’image
de son propre visage. Bien qu’il connaisse ses
défauts et ses limites, le guerrier fait son
possible pour conserver sa bonne humeur
dans les moments de crise. En fin de compte, le monde
s’efforce de l’aider, même si tout,
alentour, semble dire le contraire. 144 Il existe des résidus émotionnels, produits dans les usines de
la pensée. Ce sont les douleurs passées, qui maintenant n’ont plus
d’utilité ; ce sont les précautions qui ont
eu de l’importance autrefois, mais ne servent à
rien à présent. Le guerrier a lui aussi des
souvenirs, mais il parvient à faire le tri de
ceux qui lui sont utiles. Et il se débarrasse
des résidus émotionnels. Un compagnon dit : « Mais
cela fait partie de mon histoire. Pourquoi
dois-je abandonner des sentiments qui ont marqué mon existence ? » Le guerrier sourit. Il ne
cherche pas à éprouver des émotions qu’il
ne ressent plus. Il change, et il veut
que ses sentiments l’accompagnent. 145 Quand il le voit déprimé, le maître dit au guerrier : « Tu n’es pas celui auquel tu ressembles dans les moments
de tristesse. Tu es bien davantage. « Tandis que beaucoup sont
partis – pour des raisons que jamais nous
ne comprendrons –, tu es resté. Pourquoi Dieu
a-t-il emporté des personnes
tellement incroyables et t’a-t-Il laissé, toi? « En ce moment même, des
millions de gens ont renoncé. Ils ne
s’ennuient pas, ne pleurent pas, ne font plus
rien ; ils attendent seulement que le temps passe.
Ils ont perdu la capacité de
réagir. «Mais toi, tu es triste. Cela
prouve que ton âme est toujours bien
vivante. » 146 Quelquefois, au milieu d’une bataille qui semble
interminable, le guerrier a une idée subite et parvient à vaincre
en quelques secondes. Alors il pense : «
Pourquoi ai-je souffert aussi longtemps dans
un combat que je pouvais régler avec
moitié moins d’énergie que je n’en ai dépensé
? » En réalité, tout problème,
une fois qu’il est résolu, paraît très simple.
La grande victoire, qui aujourd’hui semble
facile, est le résultat d’une série de
petits succès qui sont passés inaperçus. Alors le guerrier comprend,
et il dort tranquille. Loin de se culpabiliser
d’avoir mis si longtemps à arriver là où
il voulait, il se réjouit de savoir qu’il est
enfin arrivé. 147 Il existe deux sortes de prières. En premier lieu, celles dans
lesquelles on demande que des choses déterminées se produisent, et
l’on essaie de dire à Dieu ce qu’Il doit
faire. On ne laisse au Créateur ni le
temps ni l’espace pour agir. Dieu – qui sait
très bien quel est le meilleur pour chacun – va
continuer de décider comme il Lui
convient. Et celui qui prie reste avec la sensation
de n’avoir pas été entendu. Les autres prières sont
celles dans lesquelles, même sans comprendre les
voies du Très-Haut, l’homme laisse
s’accomplir dans sa vie les desseins du
Créateur. Il prie pour que lui soit épargnée la
souffrance, il demande la joie dans le Bon
Combat, mais à aucun moment il
n’oublie de dire : « Que Votre volonté soit
faite. » Le guerrier de la lumière
prie de cette seconde manière. 148 Le guerrier sait que les mots les plus importants, dans toutes
les langues, sont de tout petits
mots. Oui. Amour. Dieu. Ce sont des mots qui vous
viennent facilement et emplissent de gigantesques espaces vides. Cependant, il existe un mot,
lui aussi très bref, que beaucoup de gens
ont du mal à prononcer : non. Celui qui ne dit jamais non pense qu’il est généreux, compréhensif, bien
élevé ; parce que le non a la réputation d’être
maudit, égoïste, primaire. Le guerrier se garde de
tomber dans ce piège. Il y a des moments où,
tout en disant oui aux autres, on peut se dire non à soimême. Aussi ne dit-il jamais oui avec les lèvres si son cœur pense non. 149 Premièrement : Dieu est sacrifice. Souffre dans cette vie, et tu
seras heureux dans la prochaine. Deuxièmement : celui qui
s’amuse est un enfant. Vis sous tension. Troisièmement : les autres
savent ce qui est bon pour nous, parce
qu’ils ont plus d’expérience. Quatrièmement : notre devoir
est de contenter les autres. Il faut
leur faire plaisir, même si cela implique
d’importants renoncements. Cinquièmement : il ne faut
pas boire dans la coupe du bonheur, sinon
nous pouvons y prendre goût, et elle ne
restera pas toujours entre nos mains. Sixièmement : il faut
accepter tous les châtiments. Nous sommes
coupables. Septièmement : la peur est un
signal d’alarme. Ne courons pas de
risque. Ce sont là des commandements
auxquels aucun guerrier de la lumière
ne peut obéir. 150 Une foule de gens se tient au milieu de la route, barrant
le chemin qui mène au Paradis. Le puritain demande : «
Pourquoi les pécheurs ? » Et le moraliste crie : « La
prostituée veut faire partie du banquet ! » Le gardien des valeurs
sociales s’exclame : « Comment pardonner à la
femme adultère, si elle a péché ? » Le pénitent arrache ses
vêtements : « Pourquoi soigner un aveugle
qui ne pense qu’à sa souffrance et
ne remercie jamais ? » L’ascète dit en s’agitant : «
Tu laisses la femme répandre sur tes
cheveux une huile précieuse ! Pourquoi ne pas
la vendre et acheter de la nourriture ? » En souriant, Jésus tient la
porte ouverte. Et les guerriers de la
lumière entrent, malgré les cris d’hystérie. 151 L’adversaire est avisé. Chaque fois qu’il le peut, il
saisit son arme la plus maniable et
la plus efficace : l’intrigue.
Quand il l’utilise, il n’a pas besoin de faire
beaucoup d’efforts, parce que les autres
travaillent pour lui. Avec des propos mal
orientés on peut détruire des mois de
dévouement, des années de recherche de
l’harmonie. Fréquemment le guerrier de la
lumière est victime de ce piège. Il
ignore d’où vient le coup et n’a aucun moyen de
prouver que la manœuvre est mensongère.
L’intrigue ne reconnaît pas le droit à
la défense : elle condamne sans autre forme de
procès. Alors, le guerrier supporte
les conséquences et les punitions non méritées – car la parole a du pouvoir,
et il le sait. Mais il souffre en silence,
et il n’use jamais de la même arme pour attaquer
son adversaire. Un guerrier de la lumière
n’est pas lâche. 152 «Donne au fou mille intelligences, et il ne voudra que la tienne », dit le proverbe
arabe. Quand le guerrier de la
lumière commence à planter son jardin, il
remarque que son voisin est là à l’épier.
Il aime donner son avis sur la façon de semer les actions, d’engraisser les pensées, d’arroser les conquêtes. Si le guerrier suivait ces conseils, il finirait par faire un travail qui n’est pas le sien ; le jardin qu’il soignerait
alors serait conforme à l’idée du voisin. Mais un véritable guerrier de la lumière sait que chaque jardin a ses mystères, que seule la main patiente du jardinier peut déchiffrer. Aussi préfère-t-il se concentrer sur le soleil, la pluie, les saisons. Il sait que le fou qui épie par-dessus le mur et donne des conseils sur le jardin d’autrui ne soigne pas ses propres plantes. 153 Pour lutter, il faut garder
les yeux ouverts. Et avoir pour alliés de fidèles compagnons. Mais il arrive que,
soudain, celui qui luttait au côté du guerrier de la lumière devienne son adversaire. La première réaction est la haine ; cependant, le guerrier sait que le combattant aveugle est perdu au milieu de la bataille. Alors il essaie de discerner les actions positives que son ancien allié a accomplies du temps où ils étaient
ensemble. Il tâche de comprendre ce qui l’a conduit à changer brusquement
d’attitude, quelles sont les blessures qui se sont accumulées dans son âme. Il cherche à découvrir ce qui a poussé l’un des deux à renoncer au dialogue. Personne n’est totalement
bon ou mauvais ; le guerrier songe à cela, quand il voit qu’il a un nouvel adversaire. 154 Un guerrier sait que la fin ne
justi- fie pas les moyens. Parce qu’il n’existe pas de fin ; il n’existe que des moyens. La vie le transporte de l’inconnu vers l’inconnu. Chaque minute est revêtue de ce passionnant mystère : le
guerrier ne sait pas d’où il vient, ni où il va. Mais il n’est pas ici par hasard. Et il se réjouit d’être surpris, il
s’enchante de découvrir des paysages
nouveaux. Souvent il a peur, mais c’est
normal chez un guerrier. S’il pense uniquement au
but de son voyage, il ne prêtera pas
suffisamment attention aux signes du
chemin. S’il se concentre sur une seule question, il perdra maintes réponses qui se trouvent à sa portée. Aussi le guerrier se donne-t-il tout entier. 155 Le guerrier sait qu’il existe
un « effet cascade ». Il a souvent vu quelqu’un mal agir envers un être qui n’avait pas le courage de répliquer. Alors, par lâcheté et ressentiment, celui-ci a déchargé sa colère sur un autre plus faible, jusqu’à entraîner un véritable courant de malheur. Nul ne connaît les conséquences de sa propre cruauté. C’est pourquoi le guerrier est prudent dans l’usage qu’il fait de son épée et n’accepte un adversaire que s’il est digne de lui. Dans les moments de colère, il frappe du poing sur le rocher et se blesse la main. Sa main finit par guérir ; mais l’enfant qui a pris des coups parce que son père avait perdu un combat restera marqué toute sa vie. 156 Quand survient l’ordre du départ, le guerrier va trouver tous les amis qu’il s’est faits
pendant qu’il suivait le Chemin. À
certains il a enseigné comment écouter
les cloches d’un temple englouti ; à
d’autres il a raconté des histoires
autour d’un feu. Son cœur est triste ; mais
il sait que son épée est sacrée et qu’il doit obéir aux ordres de Celui à qui il a offert sa lutte. Alors le guerrier de la lumière remercie ses compagnons de route, respire profondément et va de l’avant, chargé des souvenirs d’un voyage inoubliable. |
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Épilogue Il faisait nuit quand la femme
se tut. Ils restèrent là à regarder ensemble la lune qui se levait. « Il y a plus d’une
contradiction dans ce que tu m’as dit », remarqua-t-il. Elle se leva. « Adieu, dit-elle. Tu savais que les cloches au fond de la mer n’étaient pas une légende; mais tu n’es parvenu à les entendre que lorsque tu as compris que le vent, les mouettes, le claquement des feuilles de palmiers, tout cela
faisait partie du tintement des cloches. « De même, le guerrier de la lumière sait que tout ce qui l’entoure
– ses victoires, ses défaites, son
enthousiasme et son découragement – fait
partie du Bon Combat. Et il saura recourir à la stratégie adéquate au moment où il en aura besoin. Un guerrier n’a que faire de la cohérence. Il apprend à vivre avec ses
contradictions. – Qui es-tu ? » demanda-t-il. Mais la femme s’éloignait déjà, marchant sur les vagues en direction de la lune qui se levait. 161 |
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